L’automobile durant l’occupation

Cette période est la plus sombre de notre histoire. Notre pays est occupé par l’Allemagne nazie. Les constructeurs automobiles ont l’obligation de fournir en véhicule l’occupant mais certains feront de la résistance. La guerre engendre de grosses pénuries dans tous les domaines. Des solutions pour pallier le manque de pétrole sont mises en œuvre avec des voitures roulant au gazogène ou à l’électricité. Les usines des principaux constructeurs français sont bombardées.

Cela fait quatre mois que la guerre a commencé. Les usines automobiles françaises sont transformées en usine d’armement et fabriquent des chars, des moteurs d’avions et des camions pour l’armée française. Quelques voitures sont encore fabriquées pour les administrations.

L’exode des ouvriers et employés des usines d’automobiles

Le 9 mai 1940, le ministère de l’armement ordonne à Citroën de se replier dans son usine à Niort. Des convois sont organisés par Citroën pour que les ouvriers et leurs familles rejoignent Niort puis pour certains à proximité de Bordeaux. Le personnel de Citroën travaille soit dans les succursales provinciales ou dans les camps forestiers des Landes. 

Plusieurs centaines d’ouvriers de l’usine Peugeot de Montbéliard partent le 12 juin vers l’usine d’aviation de Bordeaux. Au même moment, Renault organise son départ pour Vichy. 

La France est envahi 

L’armée allemande lance le 10 mai 1940 son offensive vers l’ouest. En moins de quinze jours la France est envahie par le nord. Le 14 juin 1940, les Allemands sont à Paris. Les parisiens ont déjà fui à pied, à vélo ou en voiture. Les officiers allemands réquisitionnent les voitures françaises pour leur usage personnel : des Citroën Traction, des Peugeot 202 et 402, des américaines et des Simca 5.

Le 22 juin 1940, le gouvernement de Pétain signe l’armistice avec l’Allemagne. Entre-temps, le 3 juin 1940 , la Luffwaffe bombarde l’usine de Citroën du quai de javel. L’atelier de peinture, l’imprimerie, le hall de livraison des voitures, les bureaux des études et du service financier ainsi que les magasins généraux de stockage sont touchés. L’évacuation du personnel a permis de sauver des vies. Seuls 12 blessés sont comptés. Deux jours après, l’usine est de nouveau opérationnelle. 

En juillet 1940, la France est séparée en deux. Aucun train ne circule entre la zone occupée et la zone libre. Pour circuler en véhicule, il faut désormais une autorisation délivrée par la préfecture de police. Le papier rectangulaire doit être apposé du côté gauche du véhicule. Plusieurs catégories sont concernées : les camions de ravitaillement, les véhicules du corps médical etc. La puissance des véhicules ne doit pas dépasser les 14 cv. 

En septembre 1940, la vente de cartes géographiques de la région de la ligne de démarcation est interdite sous prétexte qu’elles sont pleines d’erreurs mais la mesure est prise pour dissuader les passages clandestins. La vente de pneus neufs ou rechapés est également interdite.

Les tickets de rationnement apparaissent en novembre 1940 pour l’essence, l’alcool, le gasoil, l’huile de carbure de calcium pour les véhicules à acétylène et de monnaie matière pour les métaux. Les plaques d’immatriculation sont obligatoires pour les vélos en zone occupée. 

Comité d’organisation de l’automobile 

Les forces d’occupation veulent assurer le contrôle de la production industrielle française. Le gouvernement de Vichy met en place des comités d’organisation professionnels pour chaque chambre syndicale. Le comité d’organisation de l’automobile prévoit un programme de fabrication à la fin de l’année 1940. Le COA décide de lutter contre le trop grand nombre de constructeurs automobiles, contre la multiplication des modèles différents et contre l’existence de série d’importance trop modeste. Mais derrière ses idées se cachent la volonté de discipliner la profession au profit de l’Allemagne et de l’économie nazie. La production de voitures de tourisme est arrêtée. Citroën est toutefois autorisée à produire la Traction Avant jusqu’en 1941. Les constructeurs automobiles français sont placés sous la responsabilité d’ingénieurs allemands. Ils ont l’interdiction d’étudier et de fabriquer de nouveaux modèles de véhicules. Ferdinand Porsche prend le contrôle de l’usine Peugeot de Sochaux. Pour éviter le transfert des machines et du personnel en Allemagne, les marques sont obligées de fabriquer des camions et des pièces pour la Wehrmacht. D’ailleurs, chez Peugeot, les lignes d’assemblages sont régulièrement sabotées par les ouvriers.

Le gazogène 

La pénurie d’essence a débuté et va durer de nombreuses années. Il faut donc innover pour continuer à rouler. On parle d’électricité, d’alcool et du gaz de ville. Les véhicules électriques ne sont pas nouveaux, plusieurs voitures ont déjà été conçues comme cela. En France, nous n’avons pas de pétrole mais nous avons des idées. Le gazogène est déjà un système ancien, testé au cours des années 30 pour développer des carburants dit « nationaux ». Le gazogène est perfectionné par Georges Imbert. Son principe est d’équiper un véhicule d’une installation permettant la combustion de bois, de charbon de bois, de coke ou d’anthracite produisant ainsi un gaz pauvre. Le gaz passe dans des filtres puis dans un mélangeur équipé d’une prise d’air installée au-dessus du carburateur. La mise en service est longue et fastidieuse. Il faut allumer le foyer et attendre un bon moment pour avoir une combustion idéale. Toutefois, les performances du véhicule sont réduites. La fabrication et l’utilisation du gazogène est réglementée à partir du 27 août 1940. L’équipement pour le gazogène est installé soit de manière latérale, soit frontale, soit à l’arrière ou encore traîné par remorque. L’esthétique du véhicule en prend un coup. Nombreux fabricants de gazogène voient le jour : Imber, Brandt, Facel, Gazoto, Gohin-Poulenc, Carbogaz. 

En juillet 1941, le prix de l’essence augmente de 60 %. Le gouvernement présente la tourbe comme carburant miraculeux mais en réalité la tourbe dégage peu de calories et surtout beaucoup d’odeur. Plus tard, c’est le fumier qui est testé en carburant. 50m3 de fumier donne l’équivalent de 4500 litres d’essence. 

Voiture Légère de Ville

Peugeot présente le 1er mai 1941, la voiture légère de ville. La VLV est une petite voiture électrique sous forme de cabriolet deux places. Cette voiture est destinée à un usage urbain pour répondre aux besoins des personnes qui se sont fait réquisitionné leur voiture par l’armée allemande. La VLV est conçue comme cyclecar et fonctionne avec des batteries stockées dans le coffre avant. Son autonomie est de 70 à 80 km, pour une vitesse ne dépassant pas 35 km/h. Produite à 377 exemplaires entre 1941 et 1943, la VLV est particulièrement utilisée par les postiers et les médecins. 

Simca fait de la résistance 

L’usine Simca doit fabriquer 25000 motos pour l’armée allemande. Mais Simca fait traîner et au bout d’un an, un prototype est construit. Le jour de la présentation à la commission d’homologation, la moto brûle. 

Les usines bombardées

Pendant la guerre, les usines automobiles subissent d’importants bombardements. Renault et Matford sont lourdement bombardées faisant de nombreuses victimes parmi les habitants de Boulogne-Billancourt et de Poissy. Les usines en province sont aussi visées. Les usines du Doubs sont touchées par un bombardement en juillet 1943 et l’on compte 120 morts et 250 blessés. 

La Jeep

La Jeep est une voiture emblématique de la seconde guerre mondiale. Le 27 juin 1935, une appel d’offre est lancé par l’état-major des armées américains pour la fabrication d’un véhicule tout-terrain à quatre roues motrices d’une charge utile de 272 kg, d’un poids de 590 kg avec une empattement de 1905 mm. Le véhicule doit pouvoir embarquer trois fantassins et une mitrailleuse de calibre 7,62 et son affût. Le projet doit être rendu dans un temps très court, soit 75 jours plus tard. 

Les sociétés Willys-Overland et American Bantam Car Manufacturing Company sont les seules à répondre puis Ford Motor Company rejoint les deux sociétés concurrentes. Chaque société a conçu un prototype d’essai. L’ingénieur en chef de Bantam conçoit un modèle et la société fabrique la voiture en 49 jours. Delmar G. Roos, vice-président de l’ingénierie chez Willys Overland développe la Willys Quad. Ford crée le modèle GP (General Purpose) connu sous le nom de Pygmée avec un moteur des tracteurs Ford / Ferguson. Chaque modèle dépasse la spécification de poids de 590 kg mais l’armée se rend compte que cette limite de poids est irréaliste alors elle relève la limite de poids. Chaque constructeur doit produire 1500 véhicules. Suite à de nouveaux essais, l’armée choisit le véhicule de Willys. La Willys Quad devient MA puis MB après des modifications. Son nom « Jeep » vient soit de la prononciation rapide des lettres « GP » (General Purpose) ou soit du nom du personnage du dessin animé Popeye « Eugène the jeep » (Pilou-Pilou en français). Quelques soit son origine, le nom « Jeep » entre dans le vocabulaire américain et est employé pendant longtemps pour désigner l’ensemble des véhicules tout-terrain. 

La Willys MA dispose d’un levier de vitesse sur la colonne de direction, de découpes basses sur les parois latérales de la carrosserie, de deux groupes circulaires d’instruments sur le tableau de bords et d’un frein à main à gauche. Willys-Overland construit plus de 38000 véhicules pour l’armée américaine et Ford fabrique sous licence environ 277000 Jeep. Willys dépose le nom de Jeep après la guerre. 

Entre sabotage et pillage 

En 1944, dans les usines Peugeot, les sabotages se multiplient. Les arrestations et les rafles deviennent quotidiennes. Les troupes de la libération sont aux portes de Sochaux mais n’entrent pas dans la ville. L’armée allemande en profite pour organiser un pillage des installations industrielles de la région. 90% du matériel de Peugeot est dérobé par les allemands. Les installations de l’usine Peugeot sont retrouvées après la guerre dans l’usine Volkswagen. 

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