La collection de Bart Rosman, la passion de Bugatti et Ferrari

Artcurial Motorcars présentera le 3 février prochain, lors du salon Rétromobile, la collection de Bart Rosman, collectionneur hollandais de la première heure, connu et respecté.

Son bon goût tant esthétique que mécanique, ainsi que ses talents de metteur au point et de pilote lui valaient l’admiration et l’amitié du monde Bugatti et Ferrari.

Ce sont aujourd’hui les voitures auxquelles il était le plus attaché qui seront présentées aux enchères, sans prix de réserve : la Ferrari 340 America Barchetta Ex-24Heures du Mans 1951, la Bugatti Type 35 C arrivée 4ème au GP de Monaco 1929 et la Bugatti Type 43 Grand Sport à l’état de préservation fantastique.

À ces trois pièces exceptionnelles, s’ajoutent un fabuleux projet de Bugatti Type 35 dont il avait entrepris la réalisation au cours des années 80 et des centaines de pièces des marques qu’il affectionnait.

1929 Bugatti Type 35 C

La collection de Bart Rosman, la passion de Bugatti et Ferrari

1929 Bugatti Type 35C
Châssis n°4920
Moteur n°166
© DR   
Estimation : 2 500 000 – 3 500 000 €
Sans réserve

• Jamais modifié depuis 1931
• Pilotes et palmarès prestigieux incluant 4e place au GP de Monaco 1929
• Ex-Baron George Philippe de Rothschild
• Historique connu
• Un des plus authentiques Type 35 survivant
• Dans la Collection de Bart Rosman depuis 1997

1931 Bugatti Type 43 Grand Sport ‘Prima Donna

Son bon goût tant esthétique que mécanique, ainsi que ses talents de metteur au point et de pilote lui valaient l'admiration et l'amitié du monde Bugatti et Ferrari.

1931 Bugatti Type 43 Grand Sport ‘Prima Donna’
Châssis n° 43303
Moteur n°130
© DR
Estimation : 1 200 000 – 1 600 000 €
Sans réserve

La Bugatti Type 43 présentée à l’avantage d’un historique suivi qui montre qu’elle a gardé toute son authenticité. C’est ce que confirme l’étude qui suit, fournie par Pierre-Yves Laugier, spécialiste de la marque. Le moteur n° 130 est assemblé à l’usine le 9 septembre 1928, mais il faut attendre la fin de l’année 1929 pour voir le châssis à moteur 130 acheminé de Molsheim au magasin de l’avenue Montaigne à Paris. Ainsi, le 25 novembre 1929 la voiture, équipée de la plaque châssis 43297, arrive dans la capitale. Il est possible qu’elle y reste assez longtemps en stock, en exposition ou en démonstration avant de revenir à Molsheim. Le 29 janvier 1931, avec son identité définitive 43303, elle est expédiée par chemin de fer à Zurich pour le compte de la firme B.U.C.A.R. Elle reste en stock encore quelques années, peut-être en zone franche dans le local de la firme à SaintLouis (près de Bâle) car elle n’est pas dédouanée en Suisse. C’est seulement en 1934 que le torpédo GS 43303/130 est vendu au concessionnaire Bugatti d’Amsterdam, H. van Ramshorst, dont le garage C.V Albatros est situé Pieter Baststraat 21-27. Un document hollandais d’assurance mentionne même 1932 comme année de sortie d’usine.

Le premier acheteur privé du véhicule est un pilote et aviateur amateur hollandais original, Johannes-Willem Rens. Né en 1896, il est issu d’une famille de colons néerlandais dont l’entreprise Fuchs & Rens distribue les marques Chrysler, de Soto, Plymouth et Renault aux Indes néerlandaises, tout en disposant d’une succursale à Amsterdam. La famille rentre en Hollande en 1902 et J.-W. Rens connaît une vie mouvementée au Brésil, puis au Canada, avec une peine de quelques mois d’emprisonnement pour désertion avant un premier mariage en 1919, puis un deuxième en 1931 avec une jeune bourguignonne (Georgette Gatheron) qui détient avec lui des parts dans un garage de Calais. Le couple est assez pittoresque puisqu’en octobre 1934, son épouse lui tire une balle de revolver dans la mâchoire avant qu’il ne lui en loge une dans le pied. Il s’ensuit une séparation en janvier 1935, accompagnée d’un procès pour que Rens récupère ses parts du garage calaisien qu’il codirige avec un M. Rejeange. Il doit rentrer définitivement en Hollande et c’est à ce moment-là qu’il marque son intérêt pour la Bugatti Type 43, à vendre par le garage Albatros devan Ramshorst. Rens commence par louer la voiture du 10 mai au 1er juillet 1935 et l’assure pour la somme importante de 225 florins. Il est ensuite supposé l’acheter pour 4 000 florins. Rens demande à van Ramshorst de transformer le torpédo 3-4 places Type 43 en version deux places, certainement pour des raisons fiscales. La modification est effectuée le 4 juin 1935 mais, au lieu d’être raccourcie, la voiture reçoit une plaque de tôle (amovible) occultant les places arrière. Cet élément est bien visible sur les photos de famille de cette époque. La voiture est en outre équipée d’une sangle de capot et d’un pare-pierre. L’assureur J.-Herm. Schroder enregistre l’immatriculation GZ 17555 pour la police d’assurance du 5 septembre 1935 et, par ailleurs, les registres des immatriculations d’Amsterdam indiquent le transfert de cette plaque à J. Rens le 16 mai 1935 à son adresse, Euterpestraat 102. Rens fait miroiter à van Ramshorst l’héritage français qui doit bientôt lui revenir, soit ses parts du garage. Son avocat n’est autre que son témoin de mariage parisien, Me Raymond Hubert, un ténor du barreau qui a plaidé en 1934 dans l’affaire Stavisky et dont on se demande comment il s’est lié d’amitié avec notre sulfureux Hollandais. 

Avant l’aboutissement de cette affaire, Rens parvient à se faire payer par sa mère en mai 1936 sa dernière lubie, une Bugatti Type 51 d’occasion qui sera saisie en 1938. En avril 1940, il tente de servir courageusement son pays en demandant au secrétaire de la Légation de Suède la possibilité de s’engager en tant que pilote aviateur instructeur au service du gouvernement suédois, faisant valoir sa parfaite connaissance des langues allemande, anglaise, française et néerlandaise, mais il ne semble pas qu’il ait pu obtenir cette affectation. Le 17 août 1941, suite à de douteuses élucubrations, revolver à la main, devant un colocataire de son immeuble d’Amsterdam, Rens est arrêté et envoyé au camp de concentration de Gross Rosen à Rogoznica, en Pologne. Il y perd la vie le 9 avril 1942. Entretemps, la Type 43 est revendue au printemps 1939 à Bernard Cramer, héritier d’une longue lignée d’industriels hollandais produisant du papier et des cigares. Rens estimait sa Bugatti au prix fantaisiste de 3 000 florins, et Cramer l’achète finalement le 10 mars 1939 pour 475 florins et la reprise de sa voiture, de marque Hillman. La fiche du garage Albatros indique : « IR. B. Cramer HeerdeEnde Wapenveld (Gelderland) – Bugatti et châssis/mot 43303 mit kompressor ». En décembre 1939, Cramer achète un compresseur d’occasion, numéro 154, et fait réaliser quelques travaux sur le véhicule. 

Mais, selon les souvenirs locaux, la jeune femme de Cramer ne supportait pas le bruit de la Bugatti et il dut la revendre rapidement au concessionnaire Albatros. Le mariage de Bernard Cramer et Anna Catharina van Marle étant célébré à Wapenveld le 4 août 1942, il faut supposer que la cession de la Bugatti se situe vers cette période Le torpédo Type 43 va rejoindre le stock d’au moins dix Bugatti du garage Albatros, caché dans un local appelé « le Temple » qui jouxte l’église d’Obrechtkerk, à Amsterdam. Sur une photo ancienne montrant les Bugatti dans ce grand local tenu secret, on aperçoit le torpédo 43, deuxième sur la gauche. Il porte l’immatriculation G 70670, au nom du garage de van Ramshorst. Cette cachette demeurera secrète pendant la guerre et, en 1950, H. van Ramshorst décide de raccourcir le châssis du torpédo 43 pour courir à Zandvoort. Plusieurs photos montrent la voiture modifiée dans les rues d’Amsterdam, équipée des plaques G 274, puis en course sous le numéro 40, pilotée en 1950 par van Ramshorst sur le circuit de Zandvoort. Un an plus tard, la voiture est cédée au passionné de Bugatti Guillaume Prick, par un acte d’achat daté du 16 juillet 1951. Guillaume Prick immatricule le torpédo 2,3 litres sous le numéro P 5198 et le surnomme « Prima Donna ». Entre ses mains, la voiture est un peu liée à l’origine du mythe Bugatti en Europe continentale car à partir de 1951, Guillaume Prick prêche à son volant la bonne parole d’Ettore sur tous les circuits et rallyes européens. Il date la marche du monde à partir de l’année de naissance du patron de Molsheim ! Fondateur du Dutch Bugatti Club en 1956, Prick participe à la création du Bugatti Club Deutschland la même année. La voiture est du voyage à Ermenonville pour le Rallye de 1958, puis à Molsheim en 1961 lors du Rallye International. De plus, G. Prick se rend aussi souvent que possible en Alsace, entraînant avec lui les premiers collectionneurs de Bugatti sur le vieux continent. Pendant plus de 30 ans, il parcourt l’Europe avec son Type 43 qui, l’année suivant son décès, sera vendue par la famille. L’acheteur Pim Hascher, collectionneur atypique né à Leiden dans une famille de musiciens, devient le 13 octobre 1984 l’heureux propriétaire du torpédo 43 alors enregistré sous le numéro PX-51-RG. P. Hascher circule en Bugatti depuis le début des années 50, au volant d’un Type 40 à moteur Chevrolet, puis d’un Type 37 à partir de 1953, mais la 43 est pour lui l’étape ultime dans l’initiation Bugatti dont le design des moteurs a été pour beaucoup dans sa révélation du mythe. Le 9 février 2008, lors de la vente Bonhams de Rétromobile, le torpédo 43 est vendu aux enchères à l’ingénieur et historien Bugatti Bart Rosman pour la somme de 1 327 500 €.

1951 Ferrari 340 America Barchetta Touring Superleggera

La collection de Bart Rosman, la passion de Bugatti et Ferrari

1951 Ferrari 340 America Barchetta Touring Superleggera
Châssis n° 0120 A
Moteur n° 0120 A
Carrosserie Touring n°3564
© DR
Estimation : 5 000 000 – 8 000 000 €
Sans réserve

Le Mans 1951. Par rapport à l’année précédente, la grille de départ évolue et s’affranchit progressivement des modèles nés avant la guerre pour laisser place à des machines plus modernes. L’aérodynamique poursuit une percée qui ne fera que se confirmer, comme en témoignent les nouvelles Jaguar Type C ou Porsche 356 profilée. Dans la foulée de sa victoire de 1949, Ferrari est présent en force avec neuf voitures au départ, dont quatre 340 America, le modèle le plus puissant de la marque avec son moteur V12 de 4,1 litres. A côté de celles de Chinetti et Chiron dont la réputation n’est plus à faire, la n°18 est engagée par Eddie Hall, qui partage le volant avec Giuseppe Navone. Ancien champion de bobsleigh au sein de l’équipe britannique, Eddie Hall est un pilote confirmé qui a abondamment couru avant-guerre, notamment avec des MG et Bentley. En 1950, il était au départ des 24 Heures du Mans à bord de sa Bentley Corniche aérodynamique, réussissant à passer la ligne d’arrivée en huitième position après avoir tenu le volant pendant 24 heures sans le céder une seule fois à son coéquipier, ce qui reste encore aujourd’hui sans égal !

En 1951, l’équipage de la 340 n°18 se montre très rapide et signe le meilleur temps des Ferrari en qualification, performance qui se confirmera lors de la course où la n°18 fera partie des rares voitures ayant effectué un tour en moins de 5 mn, avec le quatrième temps derrière les Jaguar Type C de Moss et Walker, et la Talbot de Fangio. Le 23 juin à 16 h, le départ est donné et la Ferrari se place dans les voitures de tête parmi les Jaguar, Cunningham, Aston et les autres Ferrari. L’épreuve n’est pas épargnée par la pluie qui s’abat sans relâche et pénalise les pilotes des voitures découvertes. La Ferrari n°18 tourne régulièrement et, à mi-course au cœur de la nuit, elle occupe la troisième place derrière la Jaguar de Whitehead-Walker (future victorieuse) et la Cunningham de Walters-Fitch. Au lever du jour, la pluie cesse et la Ferrari s’arrête au stand pour ravitailler. Mais au moment de repartir, le démarreur refuse de tourner. Le pilote effectue plusieurs tentatives, mais sans succès. C’est l’abandon..

La voiture de cette aventure est celle qui est proposée à Rétromobile 2023. Vendue neuve le 7 juin 1951 à Edward Ramsden « Eddie » Hall, elle reçoit le 13 juin l’immatriculation italienne MO 25270. Le lendemain, elle est testée à l’usine et équipée de phares additionnels en vue des 24 Heures du Mans évoquées ci-avant. Après la course mancelle, on retrouve la voiture le 15 septembre au départ du Tourist Trophy, à Dundrod (en Irlande du Nord) où Eddie Hall fait équipe avec Mike Hawthorn, futur Champion du Monde de F1. La voiture a été légèrement modifiée avec un saute-vent au lieu du pare-brise, mais Hall met un terme rapide à l’expérience en sortant de la route dès le premier tour. En 1953, la Ferrari est vendue à William B. Lloyd, un Américain résident à Green Farms, dans le Connecticut, qui l’engage au mois de mars aux 12 Heures de Sebring. Elle doit être pilotée par Lloyd et Tommy Cole mais, handicapée par des problèmes moteur, elle ne prend part qu’aux essais. Elle est vendue peu après à William Spear, de Westport, qui la prête à John Rutherfurd, promoteur immobilier de Palm Beach. Rutherfurd a pratiqué la course nautique et son « Juno » à moteur Packard, un des premiers hydroplanes trois points, s’est adjugé plusieurs compétitions et records. Il est également aviateur et a servi dans l’armée américaine lors de la Première Guerre mondiale. Au début des années 50, Rutherfurd commence à s’intéresser à la course automobile et son goût pour promouvoir son huile Sinclair Power X. Peu après cet événement, Spear cède la voiture à Richard Hall, d’Albuquerque, qui la vend lui-même en 1959 à Robert Schroeder, de Dallas. Celui-ci se lance dans un démontage en vue d’une restauration qui ne s’achèvera pas, mais la mécanique et divers équipements sont remis en état. Après le décès de Schroeder, les héritiers vendent en 1974 la voiture à Joel Eric Finn, de Ridgefield, qui la cède le 7 octobre 1975, par l’intermédiaire du négociant hollandais Rob de la Rive Box, à Bart Rosman, résident à Hilversum, en Hollande. Le prix d’achat déclaré est de 1 800 $ et la voiture est ensuite expédiée à Rotterdam par bateau. En 2013, la Ferrari est confiée à Alwin Hietbrink Coachbuilding, de Haaksbergen, pour une restauration de carrosserie. L’atelier a visiblement cherché à respecter l’intégrité de la voiture et le châssis a été préservé de même que tous les panneaux de carrosserie extérieurs, avec une peinture de qualité qui respecte le bleu d’époque. Les trains roulants et la transmission sont en place et restaurés, tandis que le moteur, complet, sera à restaurer. Il s’agit bien de celui d’origine, ainsi que l’a confirmé Marcel Massini, en revanche, la boîte de vitesses et le pont ont été remplacés à l’époque. Un lot de pièces incluant des bielles, des pistons et leurs axes, ainsi que des coussinets neufs, accompagne la voiture, complété de toutes les pièces d’usure qui ont été remplacées ainsi que toutes les petites parties de carrosserie qui ont été refaites. Le tableau de bord est complet, avec ses instruments authentiques, les armatures de sièges sans leurs garnitures sont également présentes. Il est intéressant de noter que cette voiture est la seule « barchetta » 340 Touring dont le capot est articulé à l’arrière. 

Informations pratiques

Salon Rétromobile
Paris Expo – Porte de Versailles
75015 Paris

Exposition
Du mercredi 1er au dimanche 5 février 2023

Ventes aux enchères
Vendredi 3, samedi 4 et dimanche 5 février 2023